Une identité à reconnecter

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Pour entrer de plain-pied dans la nouvelle ère du commerce 1:1, il faut réinvestir dans l’identité. La réglementation rattrape la techno. L’avènement de nouvelles approches publicitaires axées sur la confidentialité confirme la fin du règne des identifiants publicitaires de tierce partie. Ce que l’on avait d’abord pris pour un énième appel au loup a débouché sur un froid constat : cette technologie bancale a favorisé la commercialisation des données personnelles, sans le consentement des gens.


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Satya Nadella, le PDG de Microsoft, constate : « Il ne sera dorénavant plus possible de soutenir la croissance de nos entreprises sans l’aval des gens. » Pourquoi? Tout simplement parce qu’après avoir longtemps compté sur l’identité des gens pour augmenter la pertinence et l’attrait des messages publicitaires, l’industrie l’a transformé en marchandise.

À la caisse d’un commerce, la main d’une personne qui tend son application Google Pay au commis.

Quand l’identité devient une marchandise

Les témoins tiers ont été conçus pour créer un lien publicitaire entre l’auditoire des sites et le public visé par les marques. Pendant des années, ils ont bien rempli cette fonction, mais avec le temps, ils sont devenus invasifs. Ils ont miné la valeur des systèmes de vente publicitaire et ultimement, ils ont nui à toute l’industrie. Témoins ironiques de cette dépréciation, plusieurs plateformes ont même offert aux gens de payer pour éviter la publicité.

Dans un webinaire donné en 2020, Epsilon a montré que l’industrie avait pris en otage la relation directe entre les internautes, les éditeurs et leur contenu, détériorant au passage la valeur des données. Pourtant, ce sont les éditeurs qui sont propriétaires des signaux associés aux internautes. La technologie publicitaire n’est pas une relation; elle ne fait qu’effleurer la surface de données.

Les témoins tiers, en décalage avec les changements qui s’opèrent dans la société, n’ont plus leur place dans le paysage publicitaire. Les règles ont été réécrites et l’on recentre maintenant la création de valeur sur les gens : la technologie n’est plus qu’un support, pas une fin en soi. La clé du succès repose maintenant sur notre capacité à cerner l’identité des gens, leurs besoins et leurs environnements. Plutôt que d’acheter une audience, on doit désormais la mériter, en s’appuyant sur de meilleures données et de meilleurs environnements.

Pour centrer les efforts vers les gens, pas de détour possible. Il faut investir dans l’identité.

À l’heure où on cherche à remplacer les identifiants de tierce partie, on sait deux choses : un, il ne s’agit pas de les réinventer, et, deux, il y aura plus d’une seule solution. En fait, la question n’est plus autant de se demander ce qui les remplacera, mais de comprendre ce que l’identité signifie réellement sur le plan de création de valeur :

  • Avons-nous une bonne compréhension de notre clientèle et de ce à quoi elle s’identifie?
  • Arrimons-nous l’identité à nos stratégies de données?
  • Quelles questions relatives à l’identité sont réellement pertinentes, tant pour la marque que pour les gens?
  • Quels critères de ciblage permettent de générer des résultats?
  • Nos stratégies de marque incitent-elles à un échange identitaire?

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L’évolution de l’identité

Le lien entre l’identité et la consommation ne date pas d’hier. Nos habitudes de consommation en disent long sur nos valeurs, nos croyances, nos besoins et nos désirs. C’est encore plus vrai aujourd’hui. Dans un numéro précédent d’INSPIRACTIONS, la Dre Martina Olbertova expliquait :

« Le pouvoir de l’identité nous élève à un niveau supérieur de pertinence. En comprenant ce qui nourrit l’identité de chacun, nous pouvons créer des marques plus pertinentes, plus personnelles. Nous assistons à des changements en matière de consommation : on passe de l’aspiration à l’identité, de la possession à l’utilisation, et du besoin d’acheter au besoin d’être. L’authenticité n’est pas qu’une mode passagère : c’est un virage à 180 degrés dans la dynamique des marchés. C’est la manifestation claire d’une culture qui choisit les gens plutôt que les marques. Finie l’époque où les gens se prosternaient devant la marque et en adoptaient les valeurs pour se démarquer socialement. C’est maintenant le contraire. Les marques se tournent vers les gens, incarnent leurs valeurs et leur permettent d’exprimer leur véritable identité. »

Les produits de luxe ont longtemps été seuls à miser sur l’identité. Ce n’est plus le cas. On affiche désormais tout autant son style et ses valeurs en magasinant chez H&M que chez Holt Renfrew. On utilise la collaboration pour donner de la profondeur à notre identité de marque, pour refléter celle du public et créer des liens entre des gens et des marques qui partagent les mêmes valeurs.

Chaque jour, on se questionne sur l’effet négatif des médias sociaux sur l’identité. Mais les membres de la génération Z considèrent leur identité en ligne comme étant la représentation la plus authentique de ce qu’ils sont. De nouvelles plateformes communautaires se développent pour mieux répondre à cet appel identitaire à côté duquel sont passés les médias sociaux de masse. Et si on regarde de près les investissements en ligne, on constate que 70 % d’entre eux sont réalisés dans des environnements clos (Facebook ou Google par exemple), alors que 67 % des interactions entre les gens se font à l’extérieur de ces écosystèmes fermés. Le décalage entre les investissements publicitaires et ceux axés sur l’identité est énorme.

Nous devons mettre l’identité au cœur de la création de valeur. À l’ère de la connectivité, des facteurs macroéconomiques comme la consommation responsable, le développement durable et le commerce 1:1 nous poussent dans cette direction. Aux marques qui n’ont pas encore entamé ce périple, c’est le moment ou jamais de le faire.

L’identité numérique est à la base d’une nouvelle économie qui carbure aux données. Notre identité numérique s’enchâsse dans notre environnement physique. Nos appareils intelligents apprennent à connaître nos préférences. Nos thermostats s’ajustent en fonction de ce qui se passe dans nos espaces de vie. Nous piquons des jasettes avec Alexa, et l’Assistant Google est prêt à nous aider. La technologie amène nos identités numériques à influer sur les environnements physiques dans lesquels nous évoluons.

Au sortir du confinement et des importants changements qu’il a provoqués, le moment est venu de revoir ce que nous savons au sujet de l’identité. Dans l’article The Renaissance of « Me », Interbrand indique : « L’expression du “moi” a pris une dimension plus rayonnante en 2021. On est passé d’une mentalité “je suis meilleur que vous” à une mentalité “c’est mieux pour moi”. »

Ce changement de perspective vient bouleverser la façon dont on bâtit marques, expériences et messages.

L’étude The Humankind Study menée en 2021 par Leo Burnett Canada a révélé que 76 % de la population canadienne pense que les marques ne comprennent pas clairement ses besoins, ses enjeux et ses problèmes. Elles gagneraient peut-être à investir davantage en ce sens.

Un couple souriant qui fait son épicerie.

La relation 1:1

Les données font partie de toutes les facettes de l’expérience humaine. Les chaînes de blocs, les cryptomonnaies et les jetons non fongibles laissent déjà présager un avenir fort différent qui fera la part belle aux nouveaux modes d’authentification, à l’échange équitable des données, au consentement et à l’identité.

Les besoins en matière de précision des données et d’accès à des auditoires adressables, la popularité croissante des canaux directs et le rôle central des données internes imposent aux marques de donner une dimension humaine à leur stratégie de données. Les nouveaux modes de suivi et l’interconnectivité des données investiront les applications et les canaux détenus joueront un rôle plus important dans l’acquisition de clientèle et dans la création de valeur.

Les entreprises gagneraient à explorer des concepts tels que l’identité souveraine (qui donne le plein contrôle des données à leur propriétaire, et non aux marques). Cela les aiderait à voir les données comme faisant partie intégrante de leur modèle d’affaires et les gens comme des partenaires. L’exigence de précision s’étend jusqu’aux données biologiques. Plusieurs entreprises les mettent déjà au service de la sécurité, du développement de produits et de l’expérience client.

Le commerce 1:1 doit se centrer sur la personne, plutôt que de voir cette relation comme quelque chose qui s’achète ou se vend. Dans la quête des données internes, le contexte joue un rôle prépondérant. Mais même une fois les données en main, rien ne garantit la création de liens pertinents avec la clientèle. Une autre approche s’impose.

Le commerce 1:1 doit se centrer sur la personne, plutôt que de voir cette relation comme quelque chose qui s’achète ou se vend. L’établissement de relations directes est crucial, car il débouche sur des données, qui favorisent à leur tour les relations, et ainsi de suite.

Il faut considérer les données sous un angle omnicanal. Ce n’est pas parce qu’on parle d’identité « numérique » qu’elle se cantonne au Web. L’identité numérique ne signifie pas en ligne. On l’a vu, notre identité numérique est connectée aux lieux physiques dans lesquels nous interagissons. Elle ajoute ainsi des nuances contextuelles tout au long du parcours d’achat. Par exemple, un message axé sur les valeurs pourra être pertinent dans un certain contexte, mais pas du tout dans l’autre.

L’identité en contexte

Tandis que les identifiants transversaux perdent du terrain, l’identité contextuelle a le vent en poupe. Robin Berjon, vice-président à la gouvernance des données au New York Times, croit que l’identité est une question d’humains, et non d’identifiants. Comme nous exprimons notre identité différemment selon le contexte, il doute de la valeur des techniques de suivi transversal :

« La fragmentation des identifiants est une bénédiction pour les gens, car elle favorise un rapprochement entre le monde numérique et leurs attentes. Par nature, l’identité est fragmentée : nous nous montrons tous sous un jour différent selon le contexte. L’identité n’est donc exploitable que dans un contexte bien précis. »

Ana Andjelic, auteure de The Business of Aspiration, croit pour sa part que ce sont les collectivités, et non plus les individus, qui sont appelées à devenir la nouvelle unité du marketing.

Elle explique que « les 125 millions d’abonnés mondiaux que compte Netflix sont divisés en 2 000 segments d’auditoire qui regroupent les utilisateurs selon leurs préférences en matière de films et de séries. En parallèle, le contenu proposé sur Netflix est accompagné de nombreux identifiants qui, quand on les relie, permettent de créer des microgenres, lesquels sont associés à des microcommunautés. »

Les communautés sont des réseaux d’influence basés sur l’identité contextuelle. Elles reflètent des valeurs, des expériences et des centres d’intérêt communs. Elles suscitent la participation de ses membres pour atteindre un résultat commun. Créer des liens directs avec ces communautés permet aux marques d’en profiter à de nombreux égards.

Pensons au gros sac bleu d’IKEA dont se sont appropriés tant de designers et d’adeptes de la marque pour en faire des vêtements. En les encourageant à donner une nouvelle vie à cet article, la marque suédoise a reconnu la valeur de son écosystème et sa capacité à façonner l’identité de sa clientèle.

Quant au métavers (cet ensemble d’espaces virtuels de création et de co-exploration), il s’agira d’un excellent laboratoire pour l’identité alors que l’expression de soi, les expériences partagées et la communauté prendront une toute nouvelle dimension. Avec le métavers apparaîtront de nouveaux modes d’identification numérique, comme les avatars de jetons non fongibles.

Le contexte a toujours été un précieux allié pour aider les publicitaires à déterminer ce qui intéresse les gens. En combinant la précision des données au commerce 1:1, on s’assure d’envoyer le bon message au bon endroit, au bon moment. Les profils d’auditoire devront être adaptables pour que l’on puisse établir l’identité selon le contexte. Il faudra donc consacrer plus de ressources à l’identification des bons critères de ciblage, sur la base des valeurs et des champs d’intérêts communs, des microcommunautés, de l’environnement et des médias (en ligne et hors ligne).

Dans sa salle de bain, un homme appuie sur un des icônes d’un grand miroir intelligent.

L’identité de marque

L’identité joue également un rôle important du côté des marques. On peut comparer l’image de marque à un échange de valeur identitaire avec la cible. À l’origine, les entreprises se sont développé une identité pour s’approprier et véhiculer une image distinctive. Aujourd’hui, les gens ont non seulement besoin de reconnaître les marques, mais aussi de s’y identifier. Pour y arriver, les marques doivent créer du sens. Ce sens est la raison d’être d’une marque.

C’est ce qui permet d’en évaluer sa valeur – et d’en exprimer les valeurs. C’est un puissant moteur qui influe sur les comportements d’achat. L’identité de marque est la clé qui permet aux gens d’en comprendre le sens. De la promesse de marque à sa personnalité, l’identité est une composante essentielle d’une marque et de sa capacité à attirer une nouvelle clientèle et de fidéliser sa clientèle actuelle. Interbrand explique pourquoi : « Les gens doivent vous reconnaître, vous faire confiance et vous apprécier. L’image de marque est l’un des outils les plus efficaces pour y arriver. Elle génère une réelle valeur financière. » Dans un contexte de marché troublé par les canaux de vente directe, la sensibilité face aux prix et la baisse de fidélité envers les marques, l’identité de marque devient un précieux raccourci pour connecter les gens aux entreprises.

Les marques doivent avoir une vraie personnalité. Que ce soit leur histoire, leur identité graphique ou l’expérience qu’elles offrent, le moindre aspect contribue à établir et à renforcer leur identité.

Reconnecter l’identité

Le chemin vers la création de valeur passe par la nécessité d’investir dans l’identité, tant celle des marques que celle de la clientèle.

Les gens excellent dans l’art de se créer et d’exprimer leur identité. Celle-ci reflète leur personnalité, leurs centres d’intérêt et leurs valeurs et ils choisissent les marques qui y correspondent. Dans cette perspective, deux bonnes questions à se poser : les données sur l’identité dont nous disposons cadrent-elles avec notre cible, et celle-ci a-t-elle des préoccupations auxquelles nous pourrions répondre? Réaliser que l’identité des gens est définie par eux, et non par les marques, nous force à réévaluer nos besoins de données, à repenser l’expérience client et à créer du contenu pour eux, pas pour nous.

L’enjeu actuel ne découle pas autant de la rareté des données que du manque de liens entre elles. Pour créer de la valeur, on se doit de réfléchir aux données qui comptent le plus sur le plan identitaire. Après avoir discuté avec des représentants de grandes marques lors d’un événement de vente au détail, Doug Stephens, fondateur de Retail Prophet, a publié sur LinkedIn le commentaire suivant : « Ils veulent tous plus de données, mais ils ne savent pas quoi en faire. » Pour réussir dans ce nouveau contexte où prime l’identité, nous devons améliorer notre compréhension de la clientèle et aligner notre signal pour être en phase avec elle.

C’est ainsi que nous pourrons établir des relations authentiques, pleines de sens et riches d’occasions. Le succès passera toutefois par notre capacité à tisser des liens dans un premier temps (sens, solutions, communauté, impact social, expression de soi) avant de chercher à vendre.


Principaux constats

L’identité est une question d’êtres humains, et non une question d’identifiants.

Une approche tournée vers les gens est essentielle à la saisie d’identité.

Plus de données n’équivalent pas à plus d’engagement.


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