Les médias... autrement

7 minutes de lecture

Écoutez la version audio de cet article d’INSPIRACTIONS.

Écouter maintenant

Le mot « attention » attire beaucoup l’attention ces jours-ci. La bande passante est saturée. À ce rythme, impossible de consommer plus de contenu sans sacrifier son sommeil. Toujours branchés et sans cesse sollicités, les gens filtrent, bloquent, se désabonnent ou éteignent. Entre les appareils qui bipent et vibrent à qui mieux mieux, les pages qui défilent à l’infini, les fenêtres intempestives et les titres trompeurs, on tolère de moins en moins la publicité.

N’avons-nous vraiment que la capacité d’attention d’un poisson rouge? [L’image a fait son chemin, mais il s’avère que nous sommes plus attentifs que cette petite bête.] Peut-être avons-nous seulement atteint un plafond? Depuis des années, l’industrie tente de capter et de marchandiser l’attention. Pourtant, la confiance envers la publicité n’a jamais été aussi mauvaise, ni le décrochage publicitaire aussi élevé. Le rendement du capital investi en pub est à son plus bas. Bref, l’attention ne s’achète plus; il faut l’obtenir autrement. Comme l’explique Faris Yakob, l’auteur de Paid Attention : Innovative Advertising for a Digital World : « On n’a plus de temps pour soi-même, et voilà qu’émerge une contre-tendance de désintox numérique et de pleine conscience1. »

Capter l’attention en tenant compte des intérêts et du contexte

Avant de repenser l’attention, il faut s’efforcer de la mériter. Autrement dit, recentrer les médias sur le client et sur les facteurs humains qui influencent la réceptivité. En fait, il faut d’abord reconnaître que l’intérêt est en jeu : personne n’aime voir son contenu interrompu par un brouhaha publicitaire.

L’attention dépend en grande partie de l’environnement du contenu et du média. En fondant le ciblage sur les champs d’intérêt et le contexte, on augmente l’attrait et la pertinence de la publicité. Ce principe n’est pas nouveau, mais il a longtemps été éclipsé par les témoins tiers. Maintenant que ceux-ci perdent du terrain et que la fragmentation des marchés se poursuit sur tous les canaux, il est logique de chercher à capter l’attention par les centres d’intérêt et le contexte, car ils ouvrent la voie à la portée, à l’intention et à la personnalisation.

Dans cette optique de pertinence, l’industrie s’affaire à réduire la quantité et la fréquence des messages, à les rendre moins intrusifs et à en rehausser la qualité et le contenu.

Préparer le public en nouant des liens inspirants

Pour mériter l’attention, il faut préparer le public avant la phase active du parcours client. La personnalisation ne suffit pas; il faut mitonner les étapes initiales de l’engagement envers une marque au lieu de ne viser que les intentions d’achat manifestes. L’idée est de nouer d’abord des liens affectifs qui inspirent, provoquent, surprennent et s’arriment aux valeurs, champs d’intérêt et traits personnels de nos cibles. La marque peut ainsi faire valoir son point de vue, son identité, ses actions.

Amplifier le mix grâce à la publicité payée, détenue et gagnée

La diversification et l’intégration des canaux augmentent la capacité à capter l’attention. Sans remplacer les tactiques payantes, les médias détenus et l’exposition gagnée jouent un rôle tout aussi important, surtout sur le plan des catégories. Selon l’outil d’analyse Touchpoints de l’Institute of Practitioners in Advertising [IPA], « seule, l’exposition non payée ne contribue qu’un faible 0,9 % à la croissance d’une part de marché, contre 2,6 % pour l’exposition payée. Mais en ajoutant les canaux détenus, on augmente de 13 % les effets d’une campagne payée2. » Dans une étude sur l’efficacité des canaux, Kantar conclut que 75 % de l’incidence totale d’une marque provient de contacts non payés. Bien que les initiatives payées rapportent plus dans certaines catégories comme les télécoms et la techno, les produits de consommation courante profitent davantage de l’exposition gagnée3.


Vous pourriez aussi aimer :


Échapper aux jardins clos

En ce qui a trait à l’attention, les jardins clos [ces écosystèmes publicitaires des géants du Web] deviennent moins envahissants. Conséquemment, les annonces coûtent plus cher tandis que leur rendement baisse. Pour mériter l’attention des gens et nous arrimer à leurs centres d’intérêt, nous devons échapper à ces jardins, car ils absorbent actuellement 70 % des fonds publicitaires alors que 67 % de l’engagement en ligne se réalise ailleurs. Ce n’est pas la qualité de l’environnement qui fait l’attrait des jardins clos, mais bien leur relative facilité de gestion et d’évaluation des efforts publicitaires4.

Bâtir votre pertinence selon la disponibilité d’esprit

De nos jours, le moment et le lieu où une personne consomme des médias lui appartiennent entièrement. Les heures de grande écoute et leurs tarifs publicitaires démesurés n’existent plus. L’instant à privilégier dépend plutôt du contexte et des champs d’intérêt individuels – le premier facteur de pertinence du contenu et de la publicité selon Google. Il revient donc aux marques de cibler les sujets de prédilection, la période de la journée et, dans certains cas, le lieu de préférence de chacun. À l’heure où s’effacent les témoins tiers, le marketing du moment nous aide à proposer le bon message, au bon moment, sur le bon canal en tirant parti du contexte.

Approfondir l’intimité médiatique

La proximité entre les marques et le public crée une intimité médiatique et génère le besoin de personnaliser l’environnement publicitaire à l’aide de canaux et de produits adaptés, ce qui améliore l’attention et le rapport contextuel. Plus l’intimité est grande, plus le consentement, la qualité du contenu et la création de valeur prennent de l’importance. Avec le recul des identifiants tiers, l’accent sur les données directes renforcera l’intimité à l’aide des canaux détenus et des partenariats de diffusion.

Les médias audio, infolettres, applications de messagerie et abonnements sont autant de formats et de modèles d’affaires émergents qui relèvent désormais de l’intime. Les infolettres sont l’un des canaux dont la croissance a été la plus rapide ces dernières années, surtout chez les diffuseurs de contenu, blogueurs indépendants, influenceurs et leaders d’opinion du commerce B2B. Elles constituent un moyen efficace d’élargir le public, d’offrir de l’exclusivité et du sur mesure ou d’encourager la prémiumisation.

En 2020, aux États-Unis, les amateurs de diffusion en continu ont opté à 62 % pour des services par abonnement et à 32 % pour des services financés par la publicité, selon PwC5. Et comme l’abonnement peut prendre toutes sortes de formes, la frontière entre média, produit et modèle d’affaires est brouillée. En fait, tout ce qui nécessite le choix ou l’autorisation de l’utilisateur est un abonnement : une émission balado, une chaîne YouTube, une infolettre, une sélection d’échantillons, une boîte-repas… Tout ça est livré dans l’intimité du cellulaire ou du salon de l’abonné.

Miser sur l’audio

Vous arrive-t-il d’écouter la télé plus que vous ne la regardez? Comme on consomme souvent plusieurs médias à la fois, il est crucial pour les publicités visuelles de capter l’attention auditive, car on risque de les entendre sans les voir. Les médias sonores gagnent en popularité, preuve que l’attention ne vient pas seulement des yeux. L’épuisement des médias visuels n’est pas étranger à cet essor, mais il y a aussi des causes sous-jacentes : l’audio crée un rapport hautement affectif, reflétant les goûts, l’humeur et l’émotion de l’auditoire.

C’est pourquoi ce canal est propice à tisser des liens et à capter l’attention profonde du public. Il n’a pas à rivaliser autant que les médias visuels – c’est un compagnon plus accessible de notre quotidien. Spotify, par exemple, gagne l’attention et la confiance des auditeurs en personnalisant son offre selon leur humeur et leurs goûts.

Introduire le magasinage social

Quand les jeans moulants font l’objet d’un débat sérieux dans la presse [fouillez les anciennes unes du Washington Post], c’est que le consumérisme a atteint son comble. Le magasinage social, qui fusionne la découverte et l’expérience en ligne et hors ligne, aide les marques à interpeller et à convertir les acheteurs n’importe où, n’importe quand et sur n’importe quel appareil. Par exemple, Buzzfeed et le magazine New York proposent des plateformes d’achat affiliées et des publireportages.

À mesure que les canaux évoluent, détaillants et médias se confondent. Sur Instagram, Facebook, et Pinterest ou ailleurs, le magasinage social transforme les fils d’actualité en plateformes d’achat. Grâce aux codes QR, l’affichage extérieur incite aux achats impromptus et le lèche-vitrine rapporte des récompenses instantanées. La personnalisation et la précision des données font du publipostage une expérience de magasinage sur mesure proposant des offres uniques. L’exécution d’une commande devient alors une occasion de renforcer le désir. Par exemple, la marque NET-A-PORTER utilise la vidéo pour créer des offres exclusives à durée ultralimitée, exploitant la crainte de rater quelque chose : si on ne clique pas, l’offre disparaît à tout jamais. En Asie, l’achat par vidéo en direct a le vent en poupe. L’intégration est renforcée par la réalité virtuelle, la réalité augmentée et la reconnaissance d’image. Elle rapproche la marque, l’expérience client et le magasinage dans les canaux détenus et payés. Résultat : plus de bouche-à-oreille et plus d’engagement.

Tisser des liens grâce à l’expérientiel et à l’édito

Les fonctions de magasinage se multiplient sur les médias. La transformation numérique génère du bruit et une abondance de produits. Les marques se tournent donc vers l’expérience client et les leviers de prémiumisation comme l’éditorial pour se distinguer et se rapprocher du public. Les médias sont ainsi faits que le contenu a toujours servi à informer, à inspirer et à divertir. C’est pourquoi il revêt autant d’importance que tout autre produit ou service de la marque. En 2011, Rachel Shechtman, fondatrice de la boutique STORY, a prouvé qu’une boutique peut être conçue, adaptée et dirigée comme un magazine, tirer ses profits de commandites médiatiques et changer de concept après quelques mois. Le résultat? Plus de valeur pour les clients et de rendement au pied carré. Plus récemment, l’Américain Ben Kaufman a lancé CAMP, croisement entre une boutique et une aire de jeu familiale. Ce n’est que le début des concepts de vente qui marient expérientiel et éditorial : de grandes marques souhaitent les intégrer à leurs propres espaces physiques et virtuels.

L’éditorial continuera de s’imposer dans l’écosystème des marques, et les diffuseurs diversifieront les formats et les possibilités de commandite. Combiné aux données directes, ce modèle saura attirer l’attention en ouvrant la porte à une précision et à une personnalisation améliorées.

Un nouveau chapitre

Les témoins tiers, qui utilisent des données identifiables et nous suivent partout sur Internet, ont beaucoup contribué au déclin de l’attention. Maintenant, le recul des identifiants tiers élèvera le système tout entier, donnant aux diffuseurs le pouvoir de créer de bons identifiants de ciblage et des environnements basés sur leur relation avec le public. Les associations avec les médias et les données partenaires joueront un grand rôle dans cette nouvelle réalité, rapprochant l’environnement, les champs d’intérêt et les données par des moyens nouveaux et plus avantageux pour la population et les marques. C’est l’occasion ou jamais de revoir notre utilisation des médias au chapitre de l’attention.

Repenser les médias

Les médias n’ont jamais été aussi complexes. Et le rapport que les gens entretiennent avec eux ne cesse d’évoluer au rythme de la technologie. En retour, les médias se font plus dynamiques, réactifs et personnels. Il faut constamment réévaluer les capacités et la synergie des canaux pour améliorer l’efficacité de la publicité et son intégration dans l’écosystème. Concentrons-nous à mériter l’attention, en tenant compte de l’environnement et de facteurs de réceptivité comme l’intimité, la confiance, l’intérêt et le contexte.

L’exposition payée demeure un facteur essentiel de croissance, mais elle n’est rien sans ses équivalents gagnés et détenus, qui jouent beaucoup sur la part de marché. Grâce aux données directes et aux partenariats médiatiques, nous gagnerons en pertinence et transcenderons les jardins clos pour ouvrir de nouvelles possibilités transmédia. Il n’existe pas de solution universelle pour créer le mix média parfait. Chaque marque doit trouver ce qui fonctionne pour son public, sa catégorie, son positionnement et sa situation concurrentielle. À l’heure où les gens revoient la place des médias dans leur vie, repensons ces médias pour mieux captiver et convaincre le public.

Ce billet est une version de l’article « Les médias… autrement » publié dans le plus récent numéro du magazine INSPIRACTIONS.

Sources :
1 Faris, Yakob. « The qualia of attention – ignore consumer engagement at your peril »,Campaign, 8 mars 2019.
2 Binet, Les et Field, Peter.« Marketing in the Digital Age », IPA Touchpoints, 2016. 
3 Kantar. Power of Connection  2.0, 2010. 
4 Epsilon.Preparing for a world without third-party identifiers, octobre 2020. 
5 Peterson, Tim. « Subscription-based streamers outstrip ad-supported services’ share of watch time », Digiday, 7  juin 2021.

Visez toujours plus loin

Découvrez de nouvelles façons de voir au-delà du numérique en repensant votre approche publicitaire.

Aller sur le site d’INSPIRACTIONS