Un timbre rend hommage à Terry Mosher, caricaturiste de presse prolifique depuis plus de 50 ans

6 octobre 2021
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L’artiste se souvient de la dénonciation d’une caricature mal interprétée comme du « plus beau jour de [sa] vie professionnelle »

Terry Mosher est un artiste espiègle qui sait mettre le doigt sur les travers des gens. Surtout connu pour son travail de caricaturiste de presse, il est aussi un historien accompli et un conteur-né, avec 52 livres à son actif. Et à 78 ans, il a encore beaucoup à dire.

Terry Mosher dessine depuis plus d’un demi-siècle sous le nom d’Aislin. Il commence sa carrière au Montreal Star en 1967, puis passe au Montreal Gazette cinq ans plus tard. Aujourd’hui, comptant au total plus de 14 000 caricatures en carrière, il dessine encore deux caricatures par semaine pour ce journal. Il remporte deux fois le Concours canadien de journalisme et une médaille d’or aux Prix du magazine canadien, en plus de remporter à cinq reprises un prix individuel remis dans le cadre du Salon international de la caricature.

À 43 ans, Aislin devient le plus jeune membre du Temple de la renommée du journalisme canadien. En 2012, il est intronisé au Temple de la renommée des caricaturistes canadiens et il est aujourd’hui Officier de l’Ordre du Canada et président émérite de l’Association des caricaturistes canadiens.

Mais plus que toutes ces récompenses, Terry Mosher souhaite qu’on se souvienne de lui comme d’un bon père, d’un bon grand-père et d’un « assez bon mari », ainsi que d’un « caricaturiste drôlement audacieux » – une réputation qu’il s’est taillée il y a déjà bien longtemps.

Avec la permission de Terry Mosher. From Trudeau to Trudeau, p. 49.

À ses débuts, il fallait à tout prix éviter deux sujets : le sexe et la famille royale.

« Je ne pouvais pas tolérer ce genre de restrictions. J’ai saisi ma chance de repousser les limites lors de la visite au Canada de la Reine et du prince Philip en 1973. »

M. Mosher dessine alors le couple royal sous les traits d’une ventriloque et d’une marionnette après que le prince Philip ait remplacé la Reine lors d’une allocution. (Notons au passage qu’il en a profité pour modifier subtilement les pieds de la Reine.)

Quelques jours plus tard, Aislin reçoit de l’attaché de presse de la Reine une lettre lui demandant d’expliquer sa caricature. Sa réponse est en partie la suivante : « Hé bien, j’ai utilisé un stylo Rapidograph à pointe triple zéro. »

Vingt ans plus tard, Barbara McDougall, alors ministre, réagit vivement à une caricature du premier ministre Brian Mulroney signée Aislin :

Avec la permission de Terry Mosher. From Trudeau to Trudeau, p. 95.

« Nous savons tous qu’Aislin se moque des conventions et ne fait preuve d’aucun jugement. Je trouve qu’elle [la caricature] est non seulement offensante sur le plan personnel, mais aussi effrayante pour l’ensemble de la population canadienne. »

M. Mosher est le premier artiste dont le travail est dénoncé à la Chambre des communes.

« Barbara McDougall pensait que je l’avais dessiné mort. Le Montreal Gazette n’aurait jamais imprimé un tel dessin. »

À ce jour, il considère cette réprimande publique comme « le plus beau jour de [sa] vie
professionnelle ».

Terry Mosher passe les premières années de sa vie à Ottawa, Toronto et Montréal avant de quitter l’école secondaire pour faire de l’autostop d’un bout à l’autre de l’Amérique du Nord. Deux ans plus tard, il pose ses pénates à Québec, où il dessine le portrait de touristes, souvent sous forme de caricature, dans les rues de la ville. C’est là qu’il commence à utiliser le nom de plume Aislin, pour distinguer ces dessins de ses œuvres plus sérieuses.

Les touristes ont posé pour Terry Mosher sur la rue du Trésor à Québec entre 1963 et 1967. Avec la permission de Terry Mosher

Le voyage permet à l’artiste de mieux comprendre les deux solitudes du pays. Il s’adapte sans problème à la vie à Toronto, puis à Montréal et finalement à Québec. « Chez moi, c’est tout autant la rue Saint-Jean à Québec que Queen Street à Toronto. Ce mode de vie m’a bien préparé à ma carrière de caricaturiste politique. »

À Montréal, Terry Mosher vit près du Forum. En 1955, alors âgé de 12 ans, il est témoin de l’émeute que déclenche la suspension de Maurice Richard.

« C’est à ce moment que j’ai réalisé que les francophones vivaient beaucoup de colère, et pas seulement à cause du hockey. Ça a été un moment décisif. À partir de là, j’ai commencé à m’intéresser plus sérieusement à la situation du Québec. »

En début de carrière, il se rend à Moscou pour couvrir la Série du siècle. L’une des illustrations qu’il crée alors orne d’ailleurs le timbre qui lui rend hommage.

Aislin est l’un des premiers caricaturistes à mettre régulièrement le sport à l’avant-plan. « Après tout, je ne suis pas qu’un caricaturiste politique. Je peux dessiner tous les sujets d’actualité. »

Il doit l’un de ses meilleurs souvenirs sportifs à une règle obscure remontant au début des années 1900. Cette règle permettait aux journaux des villes des ligues majeures de proposer la candidature d’un caricaturiste – l’artiste retenu était admis à la Baseball Writers’ Association of America.

Il est accepté et, une dizaine d’années plus tard, peut voter pour les candidats au National Baseball Hall of Fame. En 1991, le lanceur Fergie Jenkins est le premier Canadien à y être intronisé… par un seul vote. « J’aime bien me dire que c’est grâce à moi! », sourit Terry Mosher.

Avec la permission de Terry Mosher. From Trudeau to Trudeau, p. 111.

Comment les politiciens réagissent-ils à son travail? « Les politiciens les plus futés me tolèrent en souriant, mais certains aiment vraiment ce que je fais. » C’était le cas de Robert Bourassa, ancien premier ministre du Québec, qui « adorait les caricatures à son sujet, même les plus véhémentes ».

Une nouvelle émission de timbres rend hommage à de talentueux caricaturistes de presse canadiens.

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