Le plus précieux des cadeaux

7 avril 2022
8 minutes de lecture
Des milliers de gens au pays ont été touchés par le don d’organes et de tissus. Voici trois de leurs histoires.

Jillian Lynch se souvient de la Saint-Valentin 2014 comme si c’était hier. Son frère cadet Myles était en train de la rejoindre à sa chambre. Cette courte marche l’épuisait, mais il la faisait souvent, muni de son support pour intraveineuse et de son réservoir d’oxygène. « Myles m’a demandé de lui faire des crêpes aux bleuets, puis il s’est effondré », raconte Jillian. Myles avait 16 ans et la fibrose kystique ravageait ses poumons.

Au cours des cinq années qui suivent, Myles subit trois transplantations pulmonaires bilatérales qui se soldent par une réussite, un record au Canada. « Le don d’organes permet aux receveurs de profiter de leur vie au maximum, affirme Jillian, 26 ans. En plus d’être un cadeau inestimable, il apporte une nouvelle perspective sur la vie. » Cette nouvelle perspective pousse Myles à se fixer de nouveaux objectifs après chaque opération. « Grâce au don d’organes, Myles a pu réaliser de belles choses. »

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Aujourd’hui, plus de 4 400 personnes au pays attendent une greffe d’organe vitale, et de nombreuses autres sont en attente de tissus sains pour se remettre d’une maladie potentiellement mortelle. Un seul don d’organes peut sauver jusqu’à huit vies.

Myles Lynch et sa sœur Jillian.

Myles est transporté par hélicoptère au Hospital for Sick Children (SickKids) de Toronto et Jillian fait la route en voiture avec ses parents depuis Cornwall, en Ontario, là où ils vivent.

Myles est alors inscrit sur la liste pour une greffe de poumons, puis neuf mois plus tard, la famille reçoit la bonne nouvelle qu’elle attendait. « Il était radieux le jour de sa transplantation, il était tellement excité, se souvient Jillian. Myles était prêt à recevoir une deuxième chance. » L’opération dure plus de six heures et la convalescence qui s’ensuit, plusieurs semaines. « Une fois rétabli, plus rien ne pouvait l’arrêter », raconte Jillian.

Son premier objectif? Faire de la natation. « Il pouvait retenir son souffle pour la première fois depuis des années. Le voir sortir de l’eau et respirer normalement était incroyable », dit Jillian. Myles se lance aussi dans la planche à roulettes longue, le vélo et la randonnée. À l’été 2015, il est porte-flambeau aux Jeux panaméricains. Une foule l’applaudit tout au long des 200 mètres qu’il court dans une rue de Toronto pour transporter la flamme jusqu’à l’hôpital SickKids. « Il m’a dit qu’il ne s’était jamais aussi bien senti », se souvient Jillian. Mais après deux ans, le corps de Myles rejette ses nouveaux organes. Il a besoin d’une autre transplantation.

« Depuis notre enfance, Myles me disait : “Jillian, chaque jour est un cadeau.” » – Jillian Lynch

Myles attend trois mois pour recevoir de nouveaux poumons. Après une autre période de convalescence assez courte, il reprend sa vie à plein régime. Il écrit de la musique et enregistre des chansons qui sont diffusées sur Spotify. Il se rend dans des écoles primaires et secondaires pour parler de la fibrose kystique et de l’importance du don d’organes. Il fait aussi un voyage à Boston avec un cousin, où il explore l’Université Harvard et goûte à « certaines des meilleures pizzas de la ville », se remémore sa sœur.

Cette fois, les poumons de Myles tiennent deux ans et demi. Son corps les rejette de nouveau alors qu’il est âgé de 23 ans.

« Myles voyait sa dernière transplantation comme son record mondial; c’était ses Olympiques », explique Jillian. Il se consacre entièrement à son rétablissement et prend des forces afin d’atteindre son nouvel objectif : obtenir son permis et conduire seul de l’Ontario à la Colombie-Britannique.

Il documente son voyage de sept semaines pour sa chaîne YouTube et son film 8 Thousand Myles, qui est projeté à trois reprises dans sa ville natale.

Myles prend également le temps de sensibiliser les gens et aide à recueillir plus de 1 300 signatures pour une pétition demandant au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes d’entreprendre une étude sur la faisabilité de création d’un programme de consentement automatique sur le don d’organes et de tissus.

« Myles a vécu beaucoup de choses en très peu de temps, souligne Jillian. Mais il m’a dit : “Fais en sorte que les gens se souviennent de moi pour les bonnes raisons et que je sois à leurs yeux plus qu’une personne atteinte de fibrose kystique qui a subi plusieurs transplantations. Je suis aventureux. Je suis un orateur. Je suis un musicien. Je suis quelqu’un qui peut accomplir beaucoup en très peu de temps.” »

Myles Lynch s’éteint la veille du jour de l’An 2021; il est âgé de 24 ans.

L’histoire d’Addison

Au terme d’une grossesse normale et d’un accouchement sans incident, Elaine Yong donne naissance à une fille de 3 kilos. Elle et son mari, Aaron McArthur, deviennent alors parents pour la première fois. La vie est belle, jusqu’à ce que tout bascule trois semaines plus tard.

Ce jour-là, la petite Addison est grincheuse et manque d’énergie; elle refuse de manger. « Ses lèvres ont commencé à devenir bleues », raconte Elaine.

Les parents quittent leur domicile de Vancouver pour se rendre à l’urgence la plus près. Sur place, les médecins soupçonnent une infection. Addison pourrait avoir besoin d’antibiotiques et devoir rester en observation une nuit, mais l’hôpital n’admet pas d’enfants. À l’hôpital pour enfants qui se trouve à 20 minutes de là, tout déboule en peu de temps.

Addison bouge à peine et ne réagit pas aux interventions des médecins. Lorsque ces derniers lui font un échocardiogramme pour vérifier son cœur, « l’atmosphère dans la pièce change complètement », se souvient Elaine.

Le cœur du bébé ne pompe pas de sang. Addison a besoin d’assistance vitale, sans quoi elle va mourir.

Bousculant Elaine et Aaron au passage, les médecins amènent rapidement Addison à l’unité pédiatrique de soins intensifs, où elle est placée sous assistance vitale. « La machine était terrifiante », affirme Elaine.

Quelques heures plus tard, les parents découvrent leur bébé dans un petit lit pédiatrique. Un cathéter est inséré dans son cou, elle porte un minuscule masque relié à un tuyau, et il y a des électrodes sur sa poitrine et des aiguilles dans sa peau. « Il n’y a pas pire cauchemar », raconte la mère.

Le diagnostic tombe deux jours plus tard : le nourrisson souffre d’une non-compaction du ventricule gauche.

Dans l’utérus, le cœur, qui est d’abord formé d’un tissu spongieux, se compacte graduellement pour devenir un muscle solide capable de pomper le sang. Cette compaction qui ne se produit jamais chez les fœtus atteints de la pathologie affectant Addison. Le cœur reste spongieux et faible, ce qui peut mener au décès du bébé dans les cas les plus graves. Seule une transplantation peut changer le cours des choses.

Quatre jours après son admission à l’hôpital, Addison est inscrite sur la liste d’attente des transplantations. Trois jours plus tard, le chirurgien appelle Elaine et lui dit : « J’ai un cadeau pour vous pour la fête des Mères. » Un petit cœur attend son bébé.

Après une intervention chirurgicale de neuf heures pratiquée tôt le jour de la fête des Mères 2011, Addison a un nouveau cœur – mais il ne bat pas. La pouponne est remise sous assistance vitale et, quelques jours après, les médecins font une deuxième tentative. « Son cœur s’est mis à battre et n’a jamais arrêté depuis », se réjouit Elaine.

Aujourd’hui âgée de 11 ans, Addison McArthur fréquente le camp de triathlon et l’école de ski.

Lectrice férue, Addison aime aussi faire de la randonnée et du kayak avec ses parents et sa sœur cadette, Charlie. Sa santé est stable et elle a des plans d’avenir. « Avant, je voulais être pizzaiolo et astronaute, raconte-t-elle. Maintenant, je veux travailler en génie et en science. »

« Une transplantation n’est pas un remède, précise Elaine. On échange une condition fatale contre une condition chronique. » Addison devra prendre des médicaments immunosuppresseurs toute sa vie pour que son corps ne rejette pas son cœur. Elle devra également toujours prendre des précautions pour éviter de contracter des infections, qui pourraient s’avérer mortelles.

Cette nouvelle normalité amène la famille à profiter du moment présent. « Nous n’attendons plus, affirme Elaine. Quelles que soient les occasions qui se présentent, nous en profitons maintenant. »

« Nous ne serions pas une famille sans cet incroyable don d’organe. La vie serait bien différente. » – Elaine Yong

Addison McArthur (devant) avec ses parents et sa sœur.

Chaque année, la famille Yong-McArthur célèbre l’anniversaire de la transplantation d’Addison. Elle souligne aussi celui de sa donneuse, Audrey, qui était âgée d’une semaine à son décès. « Chaque année, nous plantons des fleurs le 30 avril pour rendre hommage à la petite Audrey », souligne Elaine.

Tous les membres de la famille Yong-McArthur sont inscrits comme donneur d’organes. « Des enfants ont aussi besoin d’organes. En tant que parent, c’est bouleversant d’y penser, affirme Elaine. Mais si c’est important pour vous, prenez le temps de vous inscrire. »

L’histoire de Jan

Jan Clemis sait depuis des décennies qu’elle aura un jour besoin d’une greffe de rein, la polykystose rénale touchant plusieurs membres de sa famille élargie. Sa grand-mère, son père, sa sœur et plusieurs cousins ont tous hérité de cette condition incurable. Jan apprend qu’elle en est atteinte à l’âge de 22 ans.

La maladie provoque la formation de kystes dans les reins. Ceux-ci endommagent les tissus et peuvent entraîner une défaillance complète de l’organe. Au moment du diagnostic, les médecins annoncent à Jan qu’elle risque de souffrir d’insuffisance rénale d’ici ses 45 ans; elle en a 59 lorsque ses reins cèdent. « Mes reins étaient si gros que j’avais l’air enceinte de neuf mois et demi », raconte-t-elle.

À cause des kystes qui font enfler ses reins, son corps n’arrive plus à filtrer les déchets et les toxines; son cœur devient aussi à risque. Faible et malade, Jan passe 10 semaines à l’hôpital. Lorsque son état se stabilise, on lui retire ses deux reins. « Les patients souffrant de problèmes rénaux ont de la chance, car ils peuvent recourir à la dialyse. » Un traitement que Jan subit durant 16 mois.

« Sans les donneurs d’organes, nous n’avons pas d’avenir. » – Jan Clemis

Tous les deux jours, Jan fait la route de son domicile à Taber, en Alberta, à un hôpital à Lethbridge, où elle est branchée à un appareil de dialyse pendant quatre heures, avant de retourner à la maison. Un voyage épuisant. « J’ai été très chanceuse, souligne-t-elle. Bien des gens qui habitent dans les régions rurales du Canada ne peuvent pas se déplacer ainsi. Certains essaient la dialyse à domicile et d’autres optent pour des soins conservateurs, ce qui signifie qu’ils ne suivent aucun traitement ».

Après son opération, Jan est inscrite sur la liste d’attente pour une transplantation de rein. Épargné par la polykystose rénale, son fils Blair, âgé de 30 ans, se porte volontaire pour passer un test de comptabilité. « Je lui ai demandé : “Et tes sœurs? Elles vont aussi avoir besoin d’un rein un jour” », se remémore-t-elle. Ses enfants conviennent qu’elle est la priorité. Elle pleure en y repensant.

Le processus prend plusieurs mois, mais confirme que Blair peut faire don d’un rein à sa mère. L’intervention a lieu en août 2018. Trois mois plus tard, son fils reprend son poste de chef à temps plein. Jan retrouve la forme après quelques jours et est complètement rétablie en six mois. On lui donne même le feu vert pour retourner au travail et se remettre à la nage.

« Grâce au don d’organe, je peux mener une vie bien remplie comme avant, se réjouit Jan. Je ne suis plus branchée à une machine. Je n’ai plus de restrictions alimentaires; je peux manger des bananes et des avocats, et boire de grands verres d’eau. Je suis extrêmement reconnaissante. »

Jan a été enseignante en alimentation et en nutrition en Oregon, au Montana et en Alberta pendant 41 ans, puis a travaillé comme suppléante pendant sa dialyse. Aujourd’hui immunodéprimée en raison de la transplantation, elle a dû quitter l’enseignement. Mais la retraite est synonyme de temps de qualité avec sa famille, surtout avec ses quatre jeunes petits-enfants. « Je veux profiter au maximum de ma vie de grand-maman. »

En moyenne, un rein provenant d’un donneur vivant reste en santé et fonctionne pendant 25 ans. Jan aurait alors environ 85 ans. « Je suis consciente que ce n’est qu’un sursis, affirme-t-elle. C’est une bénédiction d’avoir une vie riche et sans contraintes. »

Un timbre vise à sensibiliser les gens au don

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