Un cadre réglementaire et stratégique moderne pour un pays en évolution
En tant que société d’État fédérale, Postes Canada est assujettie à un cadre législatif, réglementaire et stratégique complexe qui régit une grande partie de ses activités à l’échelle du pays. Ce cadre comprend la Loi sur la Société canadienne des postes (adoptée en 1981, révisée en 1985), qui a créé le système postal tel qu’il existe aujourd’hui. Selon cette loi, le double mandat de Postes Canada est de servir l’ensemble de la population canadienne et de le faire de manière financièrement autonome grâce aux revenus générés par la vente de ses produits et services, et non avec l’argent des contribuables.
Depuis 40 ans, les gouvernements successifs ont mené plusieurs examens et adopté plusieurs politiques et règlements qui ont une incidence sur Postes Canada. Ces mesures visaient à s’assurer que la population canadienne était bien desservie par les services postaux. Toutefois, les besoins des gens en matière d’expédition et de livraison ont beaucoup changé en quatre décennies.
Un cadre réglementaire et stratégique désuet
Aujourd’hui, nous devons composer avec d’anciennes mesures réglementaires et stratégiques qui ne cadrent pas avec les réalités concurrentielles de notre industrie. Tout comme la désuétude de notre modèle de livraison et de nos conventions collectives, ces anciennes mesures gouvernementales limitent notre capacité à changer, à nous démarquer et à répondre aux besoins en évolution de la population canadienne. Ces éléments s’additionnent et restreignent la Société, exacerbent sa crise financière et l’empêchent de trouver l’équilibre nécessaire pour remplir son double mandat.
Le cadre réglementaire et stratégique n’a pas suivi les changements rapides de notre environnement actuel, ce qui accroît les pressions considérables que les conventions collectives restrictives exercent déjà sur nos activités. Dans le contexte canadien actuel, il n’est plus logique de se dépêcher de livrer une lettre de la Nouvelle-Écosse à la Colombie-Britannique, pour qu’elle reste dans une boîte postale communautaire pendant trois jours avant que quelqu’un ne la ramasse.
Changements nécessaires pour mieux servir la population
Il est devenu urgent de se pencher sur ce cadre réglementaire et stratégique et d’y apporter des changements afin de protéger le rôle de longue date de Postes Canada en tant qu’infrastructure nationale essentielle pour la population et les entreprises canadiennes. Postes Canada a besoin d’une plus grande flexibilité pour réagir rapidement aux changements dans les besoins du pays et de l’entreprise et adapter ses services et ses tarifs en conséquence, tout en fonctionnant avec des mesures de contrôle réglementaires modernes. Il s’agit notamment de la flexibilité nécessaire pour adapter la livraison du courrier et des colis aux attentes actuelles et futures de la population, ainsi qu’une plus grande autonomie pour établir les tarifs réglementés des timbres.
La population s’attend à ce que Postes Canada et le gouvernement fédéral travaillent ensemble pour administrer le service postal national. Ensemble, nous devons nous assurer que le système postal tient compte des besoins des Canadiens et des Canadiennes, de leur lieu de résidence, et de leur façon de magasiner et d’utiliser nos services.
Voici ce dont a besoin Postes Canada pour mieux répondre aux besoins actuels et futurs de la population canadienne et répondre à ses attentes d’une manière financièrement viable :
- Mener sans tarder une consultation et un examen en profondeur du Protocole du service postal canadien. Des changements majeurs s’imposent pour adapter les normes de service et la fréquence de livraison à l’évolution des attentes, et pour passer d’un modèle axé sur la proximité des bureaux de poste à un modèle moderne fondé sur le service et la commodité.
- Un processus actualisé pour calculer et mettre en œuvre plus rapidement les majorations tarifaires du service de poste-lettres, tout en assurant une consultation adéquate, une surveillance gouvernementale et un préavis pour la clientèle.
- Mettre à jour ou remplacer le moratoire sur la fermeture et la conversion des bureaux de poste ruraux par un cadre stratégique moderne visant à maintenir la protection des services ruraux.
- Mettre fin au moratoire sur la conversion aux boîtes postales communautaires, qui protège un coûteux service de livraison supérieur pour moins de 25 % des adresses canadiennes situées dans des quartiers urbains bien établis. Plus de 70 % des ménages reçoivent déjà leur courrier à un emplacement centralisé.
Ces réformes, abordées plus en détail ci-dessous, tiendraient compte de l’évolution des besoins et des habitudes de livraison des gens d’ici et aideraient à placer le service postal sur la voie de l’autonomie financière.
Vous trouverez plus de renseignements sur ces changements proposés dans le mémoire de Postes Canada à la Commission d’enquête sur les relations de travail. Le ministre du Travail a lancé la Commission pour examiner le différend sur les conventions collectives entre Postes Canada et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), ainsi que la situation financière générale de l’entreprise et sa position concurrentielle.
Protocole du service postal canadien (2009)
Le gouvernement du Canada a établi le Protocole du service postal canadien pour décrire ses attentes à l’égard des normes de service de Postes Canada et de la façon dont la Société fournit les services postaux à la population canadienne. Le gouvernement doit procéder à un examen du Protocole tous les cinq ans. Toutefois, le dernier examen a été effectué en 2018 et un nouvel examen se fait attendre.
Le Protocole n’a pas changé depuis sa mise en œuvre en 2009, une époque où les lettres étaient la principale source de revenus de la Société, et il n’a pas évolué au même rythme que les besoins du pays. Le Protocole réaffirme la détermination du gouvernement à ce que Postes Canada exerce ses activités de manière financièrement autonome, conformément aux obligations et attentes énoncées dans les directives précédentes.
Ainsi, le Protocole réaffirme les attentes suivantes :
- L’obligation du Canada d’assurer un service universel aux 17,6 millions d’adresses et d’offrir des services postaux abordables;
- Le moratoire sur la fermeture et la conversion des bureaux de poste ruraux;
- La livraison du courrier poste-lettres cinq jours par semaine;
- Les attentes en matière de service selon lesquelles Postes Canada livre une lettre dans les délais suivants :
- deux jours ouvrables dans une collectivité;
- trois jours ouvrables dans une province;
- quatre jours ouvrables entre les provinces.
- Le maintien d’un réseau de bureaux de poste qui permet ce qui suit :
- 98 % des gens ont un comptoir postal dans un rayon de 15 km de leur domicile;
- 88 % des gens ont un comptoir postal dans un rayon de 5 km de leur domicile;
- 78 % des gens ont un comptoir postal dans un rayon de 2,5 km de leur domicile.
Des normes de livraison conçues pour une autre ère
Les normes de livraison du Protocole ont été établies à une époque où le pays et l’économie dépendaient du courrier papier. Une lettre d’Halifax à Vancouver doit être livrée dans un délai de quatre jours ouvrables. Il faut donc qu’elle soit envoyée par avion plutôt que par train ou par camion, ce qui a un coût financier et environnemental supérieur.
Lors de l’adoption du Protocole en 2009, le déclin du courrier papier avait commencé, mais le volume d’envois couvrait encore les coûts nécessaires pour satisfaire ces exigences. En 2018, ce n’était plus le cas, et l’entreprise déclare des pertes annuelles importantes depuis. L’utilisation des lettres demeure importante, mais les efforts et les coûts nécessaires pour les livrer selon les normes de service ne correspondent plus aux attentes des gens qui les reçoivent.
Le Protocole met également l’accent sur la proximité des bureaux de poste et ne tient pas compte de l’évolution des données démographiques et de la densité de population selon les données de recensement. Par conséquent, Postes Canada ne peut pas adapter son espace et ses offres de service pour répondre aux besoins de la population et se rapprocher des endroits où les gens travaillent et font leurs achats. Il est donc difficile d’offrir un service équitable à l’échelle du pays. Les exigences du Protocole et les restrictions découlant d’autres mesures réglementaires et stratégiques nous empêchent de garantir aux gens l’accès aux services postaux dont ils ont besoin.
Un service durable adapté aux besoins d’aujourd’hui
Postes Canada est d’avis que le Protocole devrait être revu afin d’accorder à la Société une plus grande flexibilité pour lui permettre d’offrir un service durable et adapté aux besoins de la population canadienne actuelle. Par exemple, la Société a besoin de toute urgence de changements qui lui permettraient de faire ce qui suit :
- Harmoniser les normes de service et de fréquence avec les besoins actuels de la population canadienne.
- Offrir un niveau de service de base (en matière de normes et de fréquence) à l’ensemble de la population canadienne, tout en offrant à Postes Canada la flexibilité et le pouvoir discrétionnaire nécessaires pour surpasser les normes de service ou la fréquence de livraison lorsque cela est avantageux, comme pour les produits de colis.
- Transporter, à sa discrétion, tous les produits d’une manière déterminée par Postes Canada, que ce soit par la route, par train ou par avion.
- Fournir un accès aux services postaux essentiels par l’entremise de comptoirs postaux et d’autres solutions, comme les bornes et les comptoirs libre-service.
- Offrir un accès équitable aux services postaux en fonction des besoins de la collectivité et redéfinir l’accessibilité des services afin de mettre l’accent sur la capacité de la population à accéder aux services postaux essentiels, plutôt que sur des mesures fondées sur la population et la distance.
- Déterminer de façon autonome si des bureaux de poste de la Société sont requis dans certains secteurs ou si des bureaux de poste exploités par des concessionnaires sont plus appropriés.
Processus réglementé pour les majorations tarifaires de la poste-lettres
La Loi sur la Société canadienne des postes empêche Postes Canada d’augmenter le prix des timbres sans l’approbation du gouverneur en conseil. De plus, en vertu du cadre stratégique établi par le gouvernement du Canada, la Société ne peut pas augmenter le prix des timbres au-dessus de l’indice des prix à la consommation (IPC) sans l’approbation du Cabinet.
Le processus obligatoire pour augmenter les tarifs d’affranchissement est aussi laborieux. Il peut s’écouler jusqu’à neuf mois entre la date à laquelle Postes Canada propose une augmentation tarifaire et la date d’entrée en vigueur. Dans le cas des majorations tarifaires du début de 2025, Postes Canada avait entrepris les démarches au printemps 2024. Les modifications proposées ont ensuite été publiées dans la Gazette du Canada au début de septembre 2024 et ont reçu l’approbation réglementaire finale à la fin de novembre 2024. Les majorations tarifaires sont finalement entrées en vigueur le 13 janvier 2025.
Besoin d’une flexibilité accrue en matière de tarification
Le manque de flexibilité dans ce processus empêche Postes Canada de réagir rapidement et d’adapter ses tarifs selon le contexte économique changeant. Bien que l’IPC ait augmenté, la Société n’a pas suffisamment de flexibilité pour établir le prix des produits philatéliques et poste-lettres à des tarifs qui couvrent le coût de la livraison du courrier. En même temps, nos coûts de livraison ont continué d’augmenter en raison de l’inflation et du nombre croissant d’adresses à desservir.
Non seulement les prix des timbres au Canada n’ont pas suivi le coût croissant de la prestation des services postaux, mais ils sont également inférieurs à ceux proposés par bon nombre d’autres administrations postales en Occident.
L’érosion des revenus provenant de la poste-lettres du régime intérieur est exacerbée par le manque d’autonomie en matière de tarification de Postes Canada. Le processus réglementaire actuel a notamment favorisé le maintien des tarifs de 2020 jusqu’en 2023. Par conséquent, le prix des timbres a présenté un décalage considérable par rapport au taux d’inflation, ce qui a eu une incidence financière négative sur le secteur du courrier et sur Postes Canada dans son ensemble.
La Société a un besoin urgent d’un nouveau processus plus flexible pour calculer les majorations tarifaires des envois poste-lettres et les mettre en œuvre rapidement, tout en donnant à la clientèle des préavis adéquats.
Moratoire sur la fermeture et la conversion des bureaux de poste ruraux (1994)
Nous comprenons l’importance de notre réseau de bureaux de poste pour la population canadienne, surtout dans les régions rurales et éloignées. Toutefois, le moratoire sur la fermeture et la conversion des bureaux de poste ruraux a mis à l’épreuve la capacité de Postes Canada à répondre aux besoins en évolution des petites collectivités rurales. Il s’agit aussi d’une cause fondamentale de certains des défis financiers de l’entreprise.
Le moratoire a été adopté par le gouvernement fédéral en 1994 et est directement intégré au Protocole. Le moratoire empêche Postes Canada de fermer (ou de convertir en comptoirs postaux concessionnaires) plus de 3 400 des bureaux de poste actuels qui étaient désignés comme se trouvant dans des régions rurales en 1994.
La restriction sur la conversion des bureaux de poste en bureaux concessionnaires demeure un défi financier pour la Société et peut avoir une incidence sur le service à la clientèle. Bon nombre de ces bureaux de poste traditionnels sont situés dans les régions dorénavant urbanisées, où d’autres commerces peuvent offrir le service. Gérés par des partenaires de vente au détail comme les pharmacies, ces comptoirs postaux concessionnaires offrent souvent de meilleures heures d’ouverture et plus de commodité à la clientèle. Ils sont aussi plus rentables à exploiter.
Le moratoire signifie également que Postes Canada ne peut fermer un bureau de poste rural que dans des situations indépendantes de sa volonté, comme lors du départ d’un ou une maître de poste ou de changements touchant l’installation, comme un incendie ou la résiliation d’un bail.
Suivre le rythme de l’évolution du Canada
Le Canada a beaucoup changé depuis l’adoption du moratoire en 1994. Au cours de cette période, la population du pays est passée de 29 millions à plus de 41 millions de personnes. De nombreuses régions qui étaient considérées comme rurales en 1994 font maintenant partie de villes ou de banlieues établies. Par exemple, certains bureaux de poste de la Société visés par le moratoire rural se trouvent dans des collectivités qui ne sont plus considérées comme rurales, comme Abbotsford, en Colombie-Britannique, Gatineau, au Québec, et Richmond Hill, en Ontario.
Aujourd’hui, Postes Canada compte plus de 5 700 bureaux de poste au pays. De ce nombre, plus de 3 100 (55 %) se trouvent dans des régions rurales désignées et un peu plus de 2 500 (45 %) dans des régions urbaines. Le moratoire a été adopté pour veiller à ce que les gens qui vivent dans les régions rurales du Canada aient un accès fiable et pratique aux services postaux, mais il n’a pas été mis à jour pour tenir compte des 30 dernières années d’étalement urbain. Par conséquent, Postes Canada doit garder des bureaux de poste qui se trouvent maintenant dans des régions urbanisées et où se trouvent plus d’options de service à proximité. Cette situation mine la capacité de l’entreprise à investir et à maintenir ses services dans les régions rurales mal desservies.
Pour suivre le rythme de l’évolution démographique de notre pays et des besoins changeants de la population canadienne, Postes Canada a besoin que des changements soient apportés au moratoire sur la fermeture et la conversion des bureaux de poste ruraux. La Société a besoin d’un cadre stratégique moderne qui :
- veille à ce que le service postal rural continue d’être protégé, tout en fondant les exigences en matière de service sur les dernières données démographiques et de recensement afin de déterminer ce qui constitue une zone rurale;
- tient compte de l’existence de moyens plus pratiques et rentables de servir la population canadienne que les bureaux de poste traditionnels de la Société. Il s’agit notamment des bureaux de poste concessionnaires, des carrefours communautaires régionaux et des options libre-service.
Moratoire sur la conversion aux boîtes postales communautaires (2015)
Moins du quart des adresses canadiennes reçoivent actuellement des lettres à leur porte. Depuis 40 ans, les nouveaux quartiers résidentiels reçoivent leur courrier à une boîte postale communautaire. Plus de 70 % des adresses canadiennes disposent donc d’une forme de livraison centralisée du courrier et des colis, comme les boîtes postales communautaires, les cases postales dans un immeuble d’appartements, les boîtes postales multiples ou les cases postales.
En 2015, le gouvernement fédéral a mis en œuvre un moratoire qui a mis fin à la conversion de la livraison à domicile aux boîtes postales communautaires, puis a incorporé cette décision dans sa politique en 2018. Cette décision signifie qu’environ une adresse canadienne sur quatre, principalement dans les quartiers urbains établis, continue de recevoir la livraison du courrier à la porte, soit le mode de livraison le plus coûteux par adresse.
La livraison à la porte coûte 78 % plus cher qu’une boîte postale communautaire : 279 $ par année par adresse, comparativement à 157 $. Autrement dit, près de 40 % du coût annuel du service à toutes les adresses canadiennes est dépensé pour le service à la porte pour moins du quart des adresses.
Les avantages des boîtes postales communautaires
Comme les gens magasinent de plus en plus en ligne et comptent de plus en plus sur la livraison de colis et moins sur le courrier papier, les boîtes postales communautaires sont une option de livraison plus pratique qu’il y a 10 ans. Pour la clientèle, les colis livrés aux boîtes postales communautaires sont plus sécuritaires et à l’abri des vols de colis. Les gens peuvent ramasser leurs colis et leur courrier au moment qui leur convient en toute sécurité.
Nous reconnaissons également que certaines personnes âgées et d’autres personnes ayant des limitations fonctionnelles ont besoin de solutions de rechange viables aux boîtes postales communautaires. Le Programme de mesures d’adaptation pour la livraison de Postes Canada offre diverses mesures d’adaptation pour aider ces personnes à accéder à leurs colis et à leur courrier. Ces mesures comprennent, entre autres, des tourne-clé, des plateaux à courrier coulissants, des modifications des compartiments de boîte aux lettres et des inscriptions en braille. Dans certains cas, nous assurons la livraison à domicile lorsqu’il est difficile pour la personne de se rendre à sa boîte aux lettres. Près de 17 000 adresses sont actuellement inscrites au Programme de mesures d’adaptation pour la livraison, et d’autres adresses s’ajoutent chaque année.
Pour Postes Canada, la livraison aux boîtes postales communautaires réduit considérablement les coûts de main-d’œuvre tout en offrant plus de commodité à la clientèle. Nous avons également constaté que la livraison aux boîtes postales communautaires améliore la sécurité du personnel par rapport à la livraison à la porte.
La population et le service postal seraient bien servis si le gouvernement mettait un terme au moratoire sur la conversion aux boîtes postales communautaires. Le système actuel protège un service coûteux pour moins du quart des adresses canadiennes, tout en augmentant les pressions financières sur Postes Canada.